Tous les êtres humains, indépendamment de leurs croyances, mènent le même combat pour la vie, celui de la paix. S'il y a un conflit dans une société suite à la crise des droits humains, de la justice et de la politique, tous les citoyens doivent s'unir pour restaurer l'harmonie sociale par le dialogue. Pour atteindre cet idéal commun, ils vont suivre les trois voies de la réconciliation : la Vérité, la Justice et le Pardon. Au cours de ce processus naissent les nouveaux droits mutuels et communautaires qu'il faut protéger par des instruments juridiques et des instances de réconciliation pour éviter une autre crise.
1. L'instance de la médiation restaure la confiance
Le conflit crée les tensions et une crise de confiance entre les personnes, et les amis peuvent devenir des ennemis. Alors que le rôle de la justice ordinaire est de régler les conflits et rétablir l'ordre social, il s'avère que les parties ne trouvent pas toujours leur satisfaction après une décision judiciaire. La procédure en justice devient un combat juridique qui n'arrange pas toujours les parties. Même après l'épuisement des voies de recours, il arrive que la vérité ne soit pas connue. Après une telle déception, une crise de confiance en la justice alors s'installe. Pourtant, dans un litige, seules les parties détiennent ou connaissent leur vérité. Pourquoi alors ne pas leur donner les moyens de régler elles-mêmes le conflit ?
La médiation vient suppléer à cette lacune de la justice. Les parties disposent désormais des pleins pouvoirs pour résoudre leur conflit dans le dialogue, avec l'aide d'un tiers neutre : le médiateur. Celui-ci occupe la place du milieu, se positionne entre les parties pour rapprocher leurs points de vue. Puisque ce sont les parties qui sont les maîtres du processus, le médiateur doit leur faire confiance. D'un autre côté, alors que le médiateur reçoit leurs confidences et les aident, dans une bonne communication, à trouver un accord qui leur convient, les parties doivent aussi lui faire confiance. Les acteurs en médiation s'échangent alors la confiance.
Si les parties recourent à la médiation parce qu'elles ont perdu confiance en la justice ordinaire, néanmoins les deux instances sont souvent obligées de collaborer. Cette collaboration nécessite un engagement des autorités judiciaires de respecter les accords issus de la médiation, pour éviter aussi un conflit entre la médiation et d'autres instances de la justice. La médiation est un processus qui ne fait pas de procès. Pour restaurer cette confiance, la discrétion, la confidentialité, l'écoute, l'empathie ou la compassion sont des signes d'humanité qui sont nécessaires, tout comme les excuses, le pardon et la gratitude en vue de l'entente harmonieuse.
Parmi les modes de régulation des conflits, seule la médiation peut rétablir cette véritable confiance car, même les pires ennemis du monde peuvent devenir des meilleurs amis.
2. La médiation en Église catholique: solution à la crise du sacrement de réconciliation
Le pardon est une grâce de Dieu miséricordieux qui accompagne la volonté de l'homme. Dans la confession, le pardon des péchés est donné par l'absolution du prêtre et le fidèle devient réconcilié avec Dieu et avec l’Église, selon les canons 959 et 960 du code de droit canonique, mais pas avec la victime. Par ailleurs, ce ministre légitime n'a pas le pouvoir de condamner au nom de Dieu parce qu'il n'est pas juge, ni celui de pardonner au nom de la victime. En justice, même s'il représente la société, le juge ne peut pas non plus pardonner, au nom de la victime, les fautes d'un justiciable qu'il a condamné. De plus, le prêtre et le juge ne peuvent pas demander pardon à la victime à la place ni pour le compte de l'offenseur. Seules les deux parties en conflit détiennent donc les clés de la réconciliation. Mais, comment peuvent-elles alors se réconcilier ?
La justice de la réconciliation au sein de l’Église est indispensable pour une bonne collaboration avec les instances et services civils de l’État. Comme le prêtre a le droit d'écouter le pénitent et le pouvoir de pardonner ses péchés au nom de Dieu, la victime blessée a aussi le droit d'écouter son offenseur et d'être écoutée par lui. Elle a également le pouvoir de lui pardonner, avec la grâce de Dieu et en son nom personnel. De même, l'offenseur guidé par la grâce de Dieu a le droit d'écouter et d'être écouté par la victime mais encore le pouvoir de lui demander pardon, en son propre nom. Les deux parties ont donc ces droits à la réconciliation mutuelle en plus de leurs droits à la justice des juges. En complément du sacrement de pénitence fondé sur le pouvoir donné par Jésus aux apôtres de lier et de délier, de maintenir et de pardonner les péchés au nom de Dieu (Mt 16,19 et Jn 20, 23); l’Église devrait aussi instituer l'autre justice de la réconciliation humaine enseignée par Jésus (Mt 5. 23-26 et Mt 18. 15-18). La justice restaurative (réparatrice), avec un témoin médiateur laïc, conviendrait parfaitement. Afin de résoudre la crise actuelle du sacrement de réconciliation, l’Église peut modifier le code de droit canonique avec des dispositions dans ce sens, créer des services de médiation et des programmes conformes aux législations nationales des États.
Concernant la pastorale de la réconciliation, l’Église devrait créer des nouveaux projets pastoraux dans le domaine de l'éducation à la réconciliation. Il est vrai que dans nos familles et dès l'école primaire, les parents et les enseignants disent aux enfants qu'il faut pardonner ou demander pardon quand ils sont victimes ou responsables d'une offense, mais tous doivent saisir le sens du pardon. Très peu de chrétiens connaissent les cinq conditions du pardon. Il faudra donc organiser des cours sur le pardon dans la faculté de théologie, intégrer quelques chapitres sur le pardon dans le cours de religion à l'école primaire et secondaire, créer des groupes de pardon et oser discuter de ce thème dans les groupes de prière ou de partage de l'évangile, organiser des formations sur le pardon pour les victimes et les prisonniers ainsi que des conférences publiques.
Dans les Etats où règne une culture de la violence et de l'impunité depuis plusieurs années, où les droits humains sont gravement violés et les artisans de la réconciliation persécutés, ... l’Église devrait intervenir et plaider pour la création d'une loi qui explique les conditions et l'importance du pardon, donc une invitation légale à la réconciliation. Avec la collaboration de la société civile, l'Eglise devrait demander aux autorités politiques de ces pays d'instaurer une loi sur le pardon, une nouvelle justice de la médiation pour résoudre les conflits et un nouveau système juridique et politique en faveur de la réconciliation vraiment authentique.
3. La justice de la réconciliation : une solution au conflit ethno-politique rwandais
3. 1°. La justice réparatrice par la médiation
Suite à la crise de la politique rwandaise depuis de nombreuses années et de la justice pénale en particulier, il faudrait envisager une autre solution pour que n'importe quel citoyen rwandais puisse avoir droit à une bonne justice. Le conflit ethno-politique rwandais devrait être réglé dans un contexte communautaire. Le peuple rwandais forme une seule communauté. Il n’existe pas de ''communautés ethniques'' rwandaises, comme certains le disent en comparant les fausses ethnies Hutu, Tutsi, Twa à des communautés linguistiques d’autres pays. A cause, notamment, de l’influence de la civilisation belge – par la colonisation – sur la culture rwandaise, on est souvent tenté de comparer les communautés linguistiques belges « néerlandophone, francophone, germanophone » qui sont réparties en régions distinctes, avec ces groupes ethno-politiques, alors que ces derniers partagent une langue, une culture et vivent ensemble dans toutes les régions du Rwanda.
Par des programmes de justice réparatrice, les instances de médiation renforceront les instances ordinaires de justice et aideront les protagonistes à résoudre eux-mêmes leurs différends, toutes qualifications confondues, et ceux à caractère ethno-politique en particulier. Puisque, de part leurs fonctions, les médiateurs et conciliateurs n'ont aucun pouvoir de décision, leur appartenance à un groupe – hutu, tutsi ou twa – n'aura aucune influence sur l'accord à intervenir entre les parties à l'issue du processus de médiation. De ce fait, aucune pression politique ne pourra être exercée sur eux. De même, puisque le dialogue serait mené par les parties elles-mêmes, aucune ingérence extérieure ne viendrait influencer leur accord. Ce système offre aussi des garanties d'impartialité et de confiance: les parties ont le pouvoir de régler leur conflit et de trouver un accord, choisissent elles-mêmes un médiateur ou un conciliateur et ces derniers n'ont aucun pouvoir de décision (ils sont neutres et ne sont pas des juges).
3. 2°. La réconciliation authentique
Il faut permettre aux responsables des actes criminels à caractère ethno-politique d'apprendre à demander pardon et aux victimes d'apprendre à pardonner. Car, il ne suffit pas seulement pour le délinquant d’avouer et de plaider coupable en justice. Pour la réconciliation authentique aussi entre les Hutu et les Tutsi, il appartient à l'auteur de l'infraction de demander pardon à la victime et de renoncer à recommencer l'acte fautif (récidiver). C'est à la victime aussi qu'il revient de pardonner et de renoncer à la vengeance. C'est une conséquence logique du principe de la responsabilité pénale qui est personnelle. Comme l'a bien dit Jean Monbourquette '' le pardon est un mouvement de l'âme et du cœur et ne doit pas être commandé, on ne peut pas commander l'amour à quelqu'un ''. Ainsi, comme on ne peut pas être jugé pour des faits commis par autrui, on ne peut non plus demander pardon pour ces mêmes faits dont on n'est pas responsable. Le pardon demandé, volontairement ou par obligation, par quelqu'un qui n'a pas commis la faute, est un faux pardon.
Aussi, comme personne ne peut avoir droit à la réparation pour un préjudice qu'il n'a pas subi, pardonner une faute dont on n'est pas victime est aussi un faux pardon. La grâce et l'amnistie politiques sont donc des faux pardons. Dieu seul a le pouvoir de pardonner les fautes de tout être humain. Au nom de la réconciliation, les rwandais doivent se sacrifier pour les générations futures.
Concernant la justice pénale, s'il existe des lois qui prescrivent les cas et les formes d'arrestation et de détention des individus, il faut que cette procédure soit formellement respectée par les agents compétents chargés d'appliquer ces lois. Aussi, si le législateur a mis en place le système répressif pour punir ces agents quand ils contreviennent à ces lois en attentant à la liberté des individus, ces mesures pénales doivent être mises en application pour donner une action répressive efficace. Il est très honteux de constater que les fonctionnaires commettent quotidiennement des arrestations et détentions illégales et arbitraires sans être poursuivis.
4. Conclusion
Si dans un pays les conflits, les violences extrêmes et les crimes contre l'humanité menacent la vie de tous; si le mensonge, la manipulation et la terreur sont des armes du pouvoir; si les citoyens sont exilés, victimes de guerres, de tortures, d'enlèvements, et de détentions illégales et arbitraires opérés par les forces pourtant censées garantir l'ordre; si la politique légitime la vengeance par le pouvoir judiciaire non indépendant car les politiciens et l'armée sont au-dessus des lois; si les gens n'ont pas confiance aux institutions du système juridique et politique imposé à l'Etat par les puissances étrangères... alors, il faut changer ce vieux système et refonder la Nation par la réconciliation authentique du peuple.
Pour ce faire, la Société civile et les Cultes, en toute liberté et indépendance, vont humaniser la justice par le pardon en créant un nouveau système juridique et politique fondé sur les valeurs sacrées de la communauté. Ainsi, cette lumière mettra fin définitivement à la crise et ramènera la paix.
Auteur : |
Aloys Musomesha |
Catégorie : |
Sciences Politiques - Le pouvoir judiciaire |
Format : |
A5 (14,8 x 21 cm) |
Nombre de pages : |
446 |
Couverture : |
Souple |
Reliure : |
Dos carré collé |
Finition : |
Brillant |
ISBN : |
978-2-8083-2254-6 9782808322546 |